Lettre ouverte.
A plusieurs, il y a dix ans, nous avons pensé l’ouverture d’un dispositif d’accueil et d’accompagnement pour des enfants et leurs parents en situation de rupture. Cette notion de « rupture » nous l’avions mise au travail depuis plusieurs années car nous étions tous confrontés dans notre travail, psychologues, éducateurs, professeurs des écoles, assistantes sociales, art-thérapeutes, infirmiers, orthophonistes, assistantes maternelles, psychiatres…, à des enfants et des familles ne trouvant pas l’écoute qu’ils cherchaient à leur souffrance. Je parle de souffrance.
Depuis dix ans à « Geppetto » nous accueillons des jeunes et leurs parents et nous faisons le constat que nous recevons des enfants pour lesquels l’ordre « bien veillant » a dit « stop ». Les parents en sont eux-mêmes exclus ! Ces enfants parlent peu ou pas, leur rapport aux autres n’existe pas ou presque pas. Notre idée n’est pas de faire le passe-muraille, de traverser la carapace qu’ils se sont forgés mais d’entendre le petit rien, la petite chose qui va nous permettre de nous approcher d’eux. Alors là, évidemment ça demande de se mettre au travail, d’inventer. Nous sommes des inventeurs et créons avec l’enfant et ses parents un objet, des objets qui sont notre façon singulière d’entrer en relation les uns, les autres. Car bien sûr, nous avons aussi ce travail-là à faire ! Nous mettre à leur écoute ! S’écouter voilà le cœur de la chose ! Accueillir l’invention et non pas faire taire ce que l’on n’attend pas.
Quand j’ai obtenu mon diplôme de psychologue clinicienne à l’université, j’avais un joli statut en poche ! J’étais psychologue ! Mais très vite quand j’ai eu mon premier poste dans une institution recevant des enfants présentant des « troubles envahissants du développement », tout ce savoir prêt à porter s’est vite trouvé mis à mal ! C’est alors que j’ai rencontré un analyste avec lequel j’ai osé dire ma façon de faire avec les enfants. Je me suis vite dit, dès mes premières rencontres avec les enfants de l’institution, qu’il fallait que je consente à leurs petites trouvailles. Le petit Jean est venu à son rendez- vous accompagné de son éducateur et surtout avec son pistolet en plastique qu’il avait cassé. Il hurlait, il pleurait. Nous avons réparé cette arme. J’aurais pu la jeter, décider de la mettre à la poubelle. Eh bien non ! C’est via cette arme qu’au fil du temps nous avons pu croiser nos regards, et c’est surtout grâce à cet enfant que j’ai pu parler à cet analyste orienté par la psychanalyse d’orientation lacanienne, de cette étrange façon d’être à l’écoute de cet enfant. Merci Jean ! C’est toi qui m’as enseigné.
Depuis, c’est ma boussole et c’est avec cette orientation que nous avons pensé « Geppetto » à Rouen. Nous sommes neuf membres à l’association. Tous bénévoles. Nous accueillons depuis dix ans plusieurs familles.
C’est donc ça que vous voulez interdire ? Les parents et les enfants nous disent souvent que « Geppetto » est le lieu du dernier recours !
Madame Fourneyron, Monsieur Fasquelle, vous êtes les bienvenus à « Geppetto ». Il y a toujours du café et surtout nous avons besoin de votre aide pour poursuivre notre action orientée par la psychanalyse. Nous sommes à la recherche d’un local plus grand.
Merci d’avance.
Marie-Hélène Pottier, membre de l’ACF-Normandie, psychologue clinicienne et cofondatrice de l’association « Geppetto ».