23 mars 2024 : 3e Journée d’étude du CERA L’autisme pour tous ?

Le diagnostic d’autisme est posé selon des critères toujours plus larges, le nombre de patients croît sans que les moyens ne suivent. Est-ce une épidémie ou simplement une nouvelle façon de nommer ? De quoi est-ce le symptôme ? L’autisme serait-il à la mode ? L’autisme est également le statut natif du parlêtre comme le dit Jacques-Alain Miller au sujet des travaux de Rosine et Robert Lefort. Qu’est-ce que les autistes nous apprennent sur nous-mêmes et sur l’époque ?
Lors de cette 3eme journée du CERA nous explorerons les entrelacs de l’autisme avec la subjectivité de l’époque et la façon dont la psychanalyse répond à la spécificité du sujet autiste. La parole sera donnée aussi bien aux autistes et à leurs proches qu’aux praticiens et aux psychanalystes intervenant à divers titres auprès d’eux.

Argument  

Il y a quelque chose d’autistique chez chacun d’entre nous. Jacques-Alain Miller soutient d’ailleurs que l’autisme est le statut natif du parlêtre, ce qu’il déduit du dernier Lacan et des travaux de Rosine et Robert Lefort.  

Tous autistes ?  
On répète toujours la même chose ; on ne dit qu’une seule et même chose ; un écrivain écrit toujours le même livre… Comment sort-on de cette boucle, de cette inlassable répétition ?
La technologie moderne appareille la satisfaction des corps : les écrans en particulier captent les sujets comme des lathouses, dans une bulle qui les isole. Vivrions-nous dans un monde toujours plus autistique, un monde d’esseulés ?  

Multiplication des diagnostics  
Parallèlement, les diagnostics d’autisme sont de plus en plus nombreux, alors que ce ne sont apparemment pas les cas qui augmentent, mais la modification des critères diagnostiques qui, sous la nouvelle appellation de « spectre autistique », augmentent le nombre de patients inclus dans cette catégorie. On revisite l’histoire et, de Socrate à Spinoza puis à Einstein, on retrouve des autistes partout !  
Dans Le Monde du 6 février 2024, une tribune propose la suppression du mot de schizophrénie, lequel serait stigmatisant pour les patients et scientifiquement peu fondé. Sous l’égide du DSM-5, dont les accointances avec l’industrie pharmaceutique sont largement documentées, s’opère depuis ces deux dernières décennies un remodelage diagnostique en santé mentale, dont les motivations sont essentiellement économiques.
Ce qui était auparavant considéré comme un trouble du cours de la pensée est maintenant rangé parmi les déficits de l’attention, appelant la prescription d’amphétamines. Mais que deviennent les sujets dits autistes ? Ils continuent à faire énigmes et des difficultés à leur entourage ainsi qu’à ceux qui veulent les soigner. Nous disposons à présent de nombreux témoignages, expériences et biographies qui nous permettent de mieux comprendre la façon, à chaque fois singulière, dont ils se défendent et construisent leur rapport aux autres et au monde. 

Spécificité de l’abord psychanalytique  
Contrairement aux méthodes éducatives et comportementales qui reposent sur le conditionnement, la psychanalyse développe une approche à chaque fois différente, syntone à la singularité du cas et digne. Nous nous enseignons des symptômes et des comportements de ces sujets afin d’apprendre comment les accompagner, les soutenir dans leurs efforts d’élaboration. Les parents et les proches ont également beaucoup à nous apprendre. Il s’agit d’un savoir constitué par l’expérience et trop souvent sous-estimé. Cette nécessaire réflexion concerne évidemment les cliniciens de l’autisme, mais aussi au-delà, le vaste ensemble des praticiens de la psychanalyse, les analysants, les érudits, les étudiants et tous ceux qu’interroge ce statut natif du sujet dans son rapport au langage, au corps et au monde.   

Alors, l’autisme est-il pour tous ?

Pour le savoir, nous vous invitons à la 3e Journée du CERA qui se tiendra le samedi 23 mars 2024, de 10h à 17h30, en présence uniquement, au Palais des Congrès d’Issy-les-Moulineaux.  

Jerôme Lecaux,  Directeur du CERA

Au Palais des Congrès d’Issy-les-Moulineaux
Le 23 mars 2024
Les travaux commenceront à 10h (accueil à partir de 9h)
et s’achèveront à 17h30.
S’inscrire sur la billetterie de l’ECF. Vous pouvez télécharger les bulletins d’inscription au titre de la formation permanente et de la formation médicale continue ici.

Programme

Quelques flèches en direction de la 3e Journée du Cera

Flèche #1 par Dominique Holvoet
Que l’autisme soit l’état natif du sujet est une thèse qui prend à revers l’enseignement classique de Lacan où l’Autre précède l’émergence du sujet. Car, pour que se produise cette rencontre entre l’Autre et l’être de vivant, il y faut un corps.  Cette percussion du signifiant sur le corps qui fait que finalement on ne dit jamais qu’une seule et même chose, c’est tout autant ce qui s’entend du témoignage de l’Analyste de l’École comme résultat de sa cure, que ce dont témoigne l’autiste avec son corps de parlêtre dans sa pantomime.  Les prochaines journées du CERA feront de cet aller-retour entre la clinique de l’autisme et l’autisme dans la clinique, démonstration !  

Flèche #2 par Katty Langelez-Stevens
Si l’autisme est pour tous, tous les autistes ne sont pas semblables. Entre les Asperger et les Kanner, les extrêmes sont si différents que la question se pose de points communs entre ces deux formes.  Jacques-Alain Miller a d’ailleurs proposé de les distinguer. Ce qui pourrait cependant les rejoindre est ce qu’il relève, à partir du livre de Leo Kanner, de « la force du désir autistique ».  Les sujets autistes que nous rencontrons nous démontrent qu’ils sont en effet animés d’un puissant désir et que, s’ils nous autorisent à les accompagner dans la dimension transférentielle du double, cela peut, à l’occasion, produire des résultats extraordinaires.  Gageons que nous en entendrons parler lors de cette journée du CERA.

Flèche #3 par Yves-Claude Stavy
Choisir L’autisme pour tous ? pour titre de notre 3Journée du CERA, c’est mettre l’accent sur l’Un sans Autre. L’Un qu’est chacun de nous, parce qu’il y a un réel impartageable, sans Autre, sans pourquoi : un bout de réel sans loi, incurable, qui itère dans mon existence. C’est ce dont, dès lors, j’ai la responsabilité. Un autisme donc, si l’on veut, mais alors un autisme qui transcende les catégories cliniques, celui d’un corps que j’ai et dont la rencontre rend chacun Autre à soi-même. Nous sommes là à l’envers exact de tant d’élucubrations produites à propos dudit autiste. Tandis qu’on le considère volontiers comme étant enfermé en lui-même, dans l’auto (qui est à la racine du mot autisme), il s’affronte bien plutôt à l’hétéro, c’est-à-dire à ce qu’il y a de plus Autre en lui, comme en chacun des corps parlés et parlants que nous sommesmais cela sans le secours d’aucun discours. Toi qui t’intéresses à l’autisme, si tu entends répondre à la question pourquoi l’autiste ne supporte-t-il pas le changement ? commence par isoler, avec Freud, pourquoi, dans ta vie, tu aspires tant au nouveau.

Flèche #4 par Sonia Chiriaco
Tous autistes ? Tous autistes ! La tension entre ces deux formules, dont seule la ponctuation varie, sera au cœur de la journée du CERA.  Tous ? Oui, une analyse menée à son terme fait apparaître, chez chacun, une jouissance autistique, impossible à négativer. Cette jouissance n’empêche pas notre rapport à l’altérité, au contraire, son aperception permet de composer autrement avec elle, voire d’en user. Radicalement seuls avec cette jouissance inaltérable, nous ne pouvons que l’apprivoiser. Donc, oui, tous autistes avec notre jouissance ! Mais pas tous ! « L’épidémie » d’autisme qui s’étend de par le monde du fait du DSM-5 met en évidence un dangereux abrasement de la clinique. L’autisme comme structure clinique se voit ainsi absorbé dans un spectre si large qu’il s’y dissout. C’est toute la clinique qui en pâtit. Nous examinerons ce phénomène le 23 mars

Flèche #5 par Alexandre Stevens
Si nous pouvons soutenir avec Lacan que « Tout le monde délire », au sens d’une certaine continuité entre rêve et délire, ce ne peut être vrai qu’à condition d’avoir au moins un Autre inscrit dans le symbolique. Donc tout le monde délire, sauf peut‑être  les autistes, qui sont parfois sans Autre. Mais alors peut-on dire que nous sommes tous autistes dans les moments où nous ne délirons pas ?  La question mérite un examen, puisqu’en effet Jacques‑Alain Miller a soutenu que l’autisme est « le statut natif du sujet[1] ». Nous y sommes donc tous passés. Peut-être que, faute de s’y être arrêté, nous n’en savons plus rien.  Mais l’équivoque du titre de la journée du CERA, « L’autisme pour tous ? », soulève cette question. « Pour tous » signifie bien que chacun y est attendu et pas seulement les spécialistes. Mais cela ouvre aussi à la question plus intime : ne vous en reste-t-il aucune trace ?
  [1] Miller J.-A., « S’il y a la psychanalyse, alors… », L’Hebdo-blog, n°129, 3 mars 2018, publication en ligne (www.hebdo-blog.fr)  

Flèche #6 par Yves Vanderveken
Contrairement aux idées reçues, dans l’autisme, ce n’est pas tant du monde extérieur qu’on manque, que de soi-même ! À propos de l’angoisse, Lacan pointe que « le sens le plus profond à donner au terme d’auto-érotisme » – qui est à la racine du mot autisme –, c’est qu’« on manque de soi  […] du tout au tout  [1] ». L’autisme est le statut initial du sujet, c’est-à-dire d’avant ce que Lacan appelle la surgence de l’image spéculaire, d’avant la constitution du moi, et « d’avant la distinction entre tous les petits [2] ». L’autisme ne se spécifie donc pas de ce que le sujet s’y refuse au monde extérieur, mais qu’il y est habité – jusqu’à l’angoisse primaire – par les objets de la pulsion qui, eux-mêmes, n’ont pas encore trouvé d’en-forme. Notons qu’au-delà de l’autisme, cela concerne tout parlêtre dans la mesure où, comme Lacan nous le pointe, ce qui constitue un danger pour le moi ne réside pas dans le fait que les objets a sont envahissants, mais que leur structure même « les rend impropres à la moïsation [3] » !
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre x, L’Angoisse, texte établi par J.‑A. Miller, Paris, Seuil, 2004, p. 140.
[2] Ibid.
[3] Ibid., p. 141.

Flèche #7 par Bernard Seynhaeve
Dans Encore, Lacan précise que la langue ne sert pas au dialogue. C’est en cela que l’interprétation analytique devrait viser la coupure entre S1 et S2. Ce que révèle alors une analyse poussée suffisamment loin, c’est qu’il n’y a pas fondamentalement dialogue, il y a fondamentalement autisme, il n’y a que S1 tout seul, l’Autre n’existe pas.
Ce qui existe, c’est l’événement de corps, le réel de la jouissance que produit la percussion du S1 avec le corps. L’apparole n’a pas pour principe le vouloir-dire à l’Autre. 

Flèche #8 par Omaira Meseguer 
Dès avant sa naissance, le corps de chaque parlêtre est frappé par des sons venant de l’Autre ; « l’avoix [1] », objet détaché, est puissance libidinale. Le brouhaha, bruit de voix confus, est fait des sons entendus, clap, tap, vien, va, chut, rôt… Les oreilles, seuls trous pulsionnels impossibles à fermer, laissent entrer dans les corps des sons qui deviendront des marques. 
Certains enfants autistes se bouchent les oreilles, ce geste est la réponse à « quelque chose en train de se parler [2] » : ils nous disent qu’ils sont dans le verbal, mais qu’ils se protègent du verbe. « Comment est-ce que nous ne sentons pas tous que des paroles dont nous dépendons nous sont, en quelque sorte, imposées ? [3] » En se bouchant les oreilles, ces enfants montrent à ciel ouvert que leparlêtrea affaire à la parole comme parasite [4].  
La prochaine journée du CERA nous permettra d’avancer sur ces choses de finesse dans la clinique psychanalytique de l’autisme qui est celle des parlêtres.
 
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XIX, …ou pire, texte établi par J.‑A. Miller, Paris, Seuil, 2011, p. 150.
[2] Lacan J., « Allocution sur les psychoses de l’enfant », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 367.
[3] Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le Sinthome, texte établi par J.‑A. Miller, Paris, Seuil, 2005, p. 95.
[4] Cf. ibid

Flèche #9 par Esthela Solano-Suarez 
Partant de la constatation que l’autisme est un signifiant à tout faire, n’étant pas, jusqu’à aujourd’hui, un type clinique bien formé, Jacques‑Alain Miller revient sur l’opposition entre le spectre et la structure mise en avant dans le livre de Jean-Claude Maleval La différence autistique (1), indiquant que cette articulation mériterait d’être problématisée comme telle.    
Cependant, il est signalé que J.-C. Maleval, dans l’aspiration à trouver un repère solide, dégage un vecteur visant à « articuler au-delà de la pratique des diagnostiques et dans les fils des Lefort, une « structure autistique » stricto sensu (2)». La question cruciale qui se pose dès lors pour nous est celle relative au statut du S1 chez les autistes. S’agit-il dans la structure autistique d’un S1 « gelé » comme le postule J.‑C. Maleval s’inspirant de Lacan, ou d’un S1 forclos, tel que les Lefort l’ont avancé ?       
J.-A. Miller semble pencher pour l’hypothèse de la forclusion et s’avance jusqu’au point de nous proposer un mathème de la structure autistique : 

non sans demander : « N’est-ce pas la maîtrise absente qui fait retour sous la forme pluralisée de ces règles absolues et ordonnancements rigides auxquels tous les témoignages attestent que l’autiste aspire ? » Et il ajoute : « Dans cette optique, la forclusion du S1 aurait pour effet sa métamorphose multiplicative en un essaim.(3)» 
À n’en pas douter, cette proposition relative au statut du S1 nourrira notre conversation à partir de l’étude des cas présentés lors de la prochaine journée du CERA.
 
(1) Cf. Maleval J.-C., La différence autistique, Paris, PUV, 2021.
(2) Miller J.-A., « Préface », in : Maleval J.-A., La différence autistiqueop.cit., p. 7.
(3) Ibid. , p. 13.

Flèche #10 par Ligia Gorini 
Parce que le monde d’aujourd’hui pousse à l’isolement et à la répétition. 
Parce que la prévalence des troubles du spectre autistique n’a cessé de s’affirmer ces dernières années. 
Parce que ce qui se passe avec l’autisme est paradigmatique d’un mouvement plus général d’effacement du champ psy.  
Parce que Lacan s’est demandé un jour si la psychanalyse ne serait pas « un autisme à deux (1) », en signalant que « lalangue est une affaire commune (2) » à même de « forcer cet autisme (3) ». 
Tous autistes ? 
Pour en savoir plus, rendez-vous le 23 mars ! 
 
1. Lacan J., « Vers un signifiant nouveau », Ornicar ?, no 17-18, 1979, p. 13. 
2. Ibid.
3. Ibid.

Flèche #11 par Jean-Robert Rabanel 
Les dernières avancées de Jacques-Alain Miller, faisant de l’autisme « le statut natif du sujet (1) », conduisent à poser la question de la sortie de l’autisme d’une autre manière, plus large, comme un passage obligé, pour instaurer le dialogue. 
À partir du S1, de lalangue, un choix se fait vers un mode de jouissance et se distingue d’un autre.
Elle indique qu’il existe un autre statut de l’interprétation que l’ajout d’un S2, que l’objet, que l’acte, ou la lettre : le S1 répété. Car l’entendre de la parole avec le message inversé suffit à conférer une altérité au soliloque compatible avec l’inexistence de l’Autre. Parler tout seul, mais en présence d’un Autre prêt à entendre, est ce qui produit du symbolique, du symbolique là où il n’y en avait pas.
 
1. Miller J.-A., « S’il y a la psychanalyse, alors… », L’Hebdo-blog, n° 129, 3 mars 2018, publication en ligne.

Flèche #12 par Antonio Di Ciaccia
Lacan, commentant les travaux de Melanie Klein, précise les coordonnées à partir desquelles un nouveau-né se positionne. Ces coordonnées sont celles du corps couplé avec le symbolique. Sur l’axe dit des ordonnées, Lacan situe la dimension symbolique comme préalable. Sur l’axe des abscisses, il situe le rapport du nouveau-né « non pas à ce qui apporte satisfaction à son besoin, mais […] au désir du sujet maternel(1)». Ces coordonnées du sujet sont l’ébauche du schéma R, dans un mouvement statique ou mouvant. Tout parlêtre s’inscrit sur ces deux axes et, pour reprendre une expression chère à Lacan, le sujet s’y développe à l’instar d’une fleur japonaise. 
Comment faire éclore la fleur du parlêtre ? Cette journée du CERA tentera de répondre à cette question.
1. Lacan J., Le Séminaire, livre V, Les Formations de l’inconscient, texte établi par J.‑A. Miller, Paris, Seuil, 1998, p. 223.

Flèche #13 par Corinne Rezki
Le rapport au langage concerne tous les êtres humains. Le parlêtre – néologisme de Lacan pour désigner l’inconscient freudien – est le résultat de ce criblage du corps par des mots, signifiants producteurs de jouissance. L’autiste est donc bien un parlêtre de plein exercice. Un parlêtre qui s’entend lui-même, souligne Lacan (1) et ce qu’il entend, il s’agit de voir d’où il l’a entendu. Comment alors écouter ceux qui ne parlent pas, mais qui se manifestent parfois d’un cri sans regard, ailleurs, comme non connectés au monde qui les entoure ?
Une écoute qui s’assortit d’un pari, celui du sujet, là où tout pousse à l’oublier ou pire encore à le nier dans un programme de rééducation au rythme des normes du moment.
L’autisme, ce devant quoi un analyste ne doit reculer en aucun cas, transposition de ce que disait Lacan à propos de la psychose, en ouverture de la section clinique (2).
La journée du CERA sera l’occasion d’entendre celles et ceux qui sont au plus près des personnes concernées par l’autisme. Un rendez‑vous à ne manquer sous aucun prétexte !

1. Cf. Lacan J, « Conférence à Genève sur le symptôme. Texte établi par Jacques-Alain Miller », La Cause du désir, n°95, avril 2017, p.17.
2. Cf. Lacan J., « Ouverture de la section clinique », Ornicar ?, n°9, avril 1977, p. 12.

Flèche #14 par Jean-Claude Maleval 
La jouissance autiste du sujet est à soigneusement distinguer de la jouissance du sujet autiste.  
Certes, la notion de statut natif du sujet rapportée par Jacques‑Alain Miller au sujet autiste incite à les rapprocher, car le dernier enseignement de Lacan, souligne-t-il, est hanté par la question de l’autisme, en tant qu’il met l’accent sur la jouissance Une et non plus sur le discours de l’Autre.  
La jouissance autiste du sujet est chiffrée par un signifiant-maître, qui commande des chaînes de S2, il est assumé par celui qui traverse la passe. En revanche, la jouissance du sujet autiste se prend à des S1 tout seuls, tantôt éparpillés, tantôt itératifs, coupés des S2 ; de surcroît, selon la formule cardinale d’Éric Laurent, elle fait retour sur un bord. Lacan ajoute une indication majeure : il y a quelque chose qui se gèle.  
C’est en captant les S1 dans les objets élus comme bord que l’autiste les gèle, se donnant l’illusion que ce sont eux qui commandent sa jouissance. Il met ainsi en place une défense majeure pour se protéger du désir de l’Autre, en se déresponsabilisant, et en se coupant de ses affects.

Flèche #15 par Guy Poblome
L’autisme est-il pour tous ? Peut-être, mais force est de constater d’abord qu’aucune cause universelle n’a pu être isolée jusqu’à présent pour l’expliquer, et ensuite que chaque parlêtre est unique en son genre car, comme le disait un jeune homme : « Il y a le TSA, mais il y a surtout mon caractère ! » Il ne pourrait donc y avoir une méthode qui vaudrait pour tous. 
C’est la raison pour laquelle les praticiens orientés par la psychanalyse ne se basent pas sur des protocoles de soins ou d’apprentissages, mais prennent le parti de concevoir le traitement des sujets qu’ils accompagnent comme une recherche à chaque fois inédite. Les entendre témoigner de leur travail est toujours surprenant, car riche de trouvailles et d’inventions.

Flèche #16 par Mariana Alba de Luna 
En janvier 2012, l’autisme reçoit le label de Grande Cause nationale. C’est le début de la bataille de l’autisme (1). Des voix divergentes s’élèvent. Occasion de mieux faire percevoir notre longue expérience et l’approche psychanalytique centrée sur la clinique du cas, le travail en institution, et avec les parents. Une alliance renouvelée entre cliniciens et parents portent ces derniers à de nouveaux témoignages.  
C’est dans ce contexte que naît l’association de parents, amis et personnes autistes La Main à l’Oreille qui défend une approche prenant en compte leur subjectivité et accueille leurs solutions singulières (2). Notre action opère en lien avec celle des parents. L’accueil de leurs inventions pour savoir y faire, est crucial. Ils ont quelque chose à nous en dire (3).  
La 3ème journée du CERA sera l’occasion de continuer à les entendre.

Flèche #17 par Véronique Mariage
Pour accompagner un sujet autiste, il y a lieu de repérer sa manière singulière de se servir du langage sans sa dialectique, qui l’exclut ainsi du discours.
Se servir du plus profond, du rapport premier, et autistique, au langage permettra la rencontre. C’est de se saisir de l’en deçà du nœud qu’il sera possible d’être présent avec un sujet autiste afin de l’accompagner dans la construction de son rapport à l’Autre et au monde.
S’il y a bien quelque chose à leur dire, comment peut-on dès lors leur parler ?
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