Par Wendy Vives Leiva.
L’aventure de la famille Suskind commence lorsque leur fils, Owen, 3 ans, se réfugie dans son monde. Ron, le père, décide de prendre sa plume afin de témoigner d’« une bataille entre cœur et raison »[1], à l’occasion de ce voyage dans le monde mystérieux de son fils autiste.
Dans les ombres de ce monde inconnu et du combat quotidien pour trouver la meilleure prise en charge et l’explication à ce qui arrive à cet enfant, ces parents désemparés restent attentifs à chaque geste, son, regard d’Owen. « MARCHE, ARRÊT, RETOUR, MARCHE, ARRÊT, RETOUR »[2], c’était la manœuvre avec la télécommande que Walter a apprise à son petit frère qui passe des heures en face de l’écran en regardant les grands classiques de Disney. Cependant, Cornelia la mère d’Owen et Ron repèrent que cette répétition n’a pas lieu dans une scène anodine : quelque chose se passe pour Owen devant les dessins animés, mais quoi ?

Ses parents vont à rebours des indications des spécialistes. Ils ne privent pas Owen de sa passion de regarder les films, cherchent la fonction qu’à ce centre d’intérêt pour lui. Cela leur permet d’avoir accès au décodage de son monde et de ses émotions qui rouvrent alors une voix qui s’était tue. Oui, une voix : « Juavoi ! – s’exclame Owen –, just your voice »[3] –interprète la mère en écoutant son fils qui répète cette phrase après Ursula, la maléfique sorcière de La petite sirène.
Regarder les films, étudier les dialogues en détail, jouer les scènes sont les clés pour qu’Owen puisse accéder au langage et à un savoir-faire original avec la langue et le corps. Au sous-sol de cette famille américaine, Owen semble développer un talent, le dessin. Avec grande surprise et joie, les parents regardent page après page le cahier de ce nouvel artiste : l’expression de chaque personnage est épatante, c’est comme si Owen ressentait en dessinant ce que font les personnages. Dessinateur ! Pourrait-il devenir dessinateur de dessins animés ?
Parallèlement, Owen commence à écrire des phrases, ses phrases à lui et son histoire avec les compagnons de Disney qui viennent l’escorter et le guider au jour le jour, aussi bien que dans les grandes étapes de sa vie. Un parcours professionnel s’envisage, des projets et rencontres se mettent en place grâce à sa passion, nouvelle forme de son lien social.
Une histoire touchante où Cornelia, Ron, Walter et Owen ont retroussé leurs manches devant les difficultés afin de montrer comment « le centre d’intérêt conduit au talent et le talent aux possibles »[4].
Les parents de ce héros autiste nous invitent vivement à respecter le temps et le plaisir de l’exploration de ce qui peut réinsuffler un sentiment de vie au corps parlant. Respecter et accompagner la singularité d’une recherche interne est une indication précieuse et enseignante en ces temps de débat, où l’efficacité de la méthode doit se voir, se prouver et compter dans une grille qui répond à une norme qui invite, voire exige de mettre un terme à « l’obsession ». Grâce à la fine démarche et l’écoute de ces parents, ainsi que de certains professionnels qui ont accompagné Owen en soutenant sa passion, une fenêtre s’est ouverte. Et donc des possibles.
*Life, Animated, le documentaire de Roger Ross Williams (2016) inspiré du livre de Ron Suskind, nominé aux Oscars 2017, bientôt sur vos écrans. Pour en savoir plus :
Le site officiel – www.dissidenzfilms.com/life-animated
La page Facebook du film – http://www.facebook.com/unevieanimee
[1] SUSKIND R., Une vie Animée. Le destin inouï d’un enfant autiste. Ed. Saint-Simon, Paris, janvier 2017, p. 80.
[2] Ibid. p. 70.
[3] Ibid. p. 30
[4] Ibid. p. 293