Mireille Battut : « L’autisme est une rencontre »

Une interview de Mireille Battut, présidente de La Main à l’Oreille.

La cause de l’autisme – Pouvez-vous nous présenter La Main à l’Oreille ?

Mireille Battut – La Main à l’Oreille est un lieu d’adresse. Nous avons rencontré l’autisme, et l’autisme nous a rencontrés. L’effet produit est celui de l’amour : affolement, emballement, sidération, frayeur, vertige, et nous a transformés à jamais. Ceux de nous que l’on dit autistes, ou pas. Si l’autisme est une assignation, pour la science, pour l’administration, pour l’éducation nationale, il est pour nous d’abord une rencontre. Nous ne voulons pas plus vaincre l’autisme que nous ne souhaitons vaincre l’amour. Notre amour s’inquiète du futur mais ne veut pas manquer le présent des petites choses. C’est pourquoi nous disons que nous n’avons pas de théorie de l’autisme, mais nous avons une politique, une poétique.

Qu’est-ce qui vous a amenée à créer cette association ?

La Main à l’Oreille est née en 2012 avec l’année de l’autisme Grande cause nationale. Nous avons souhaité ne pas réduire l’autisme à sa seule dimension déficitaire et sa prise en charge à la seule approche rééducative. Nous avons voulu faire entendre une parole autre. Aujourd’hui, nous avons huit antennes régionales, qui construisent leurs activités au rythme du désir de leurs membres : cafés parents, cafés ados, activités artistiques, loisirs, répit pour les familles, lieux de vacances, préparation à l’autonomie, etc.

Le 10 mars aura lieu à Paris la journée du CERA  intitulée Autisme et parentalité. En tant que parent, qu’attendez-vous de cette journée ?

J’attends de cette journée trois choses précieuses entre toutes. Je voudrais pousser plus loin le défi auquel la rencontre de l’autisme m’a confrontée dans les trois champs de l’éthique de la parentalité, de la politique et de la psychanalyse.

C’est souvent au nom des parents que l’on veut imposer les méthodes comportementales de prise en charge des autistes. Qu’en pensez-vous ?

Nous pensons que c’est de nos enfants qu’il faut s’orienter. Les autistes témoignent que si certaines techniques comportementales peuvent les aider, en aucun cas elles ne doivent les contraindre à abandonner leur mode d’être, leurs points forts. La main à l’oreille s’est impliquée dans le champ de la politique de l’autisme pour réclamer une liberté de choix dans le respect de l’articulation des dimensions éducative, thérapeutique et pédagogique. En 2014, nous avons constitué, avec d’autres associations amies, le RAAHP (Rassemblement pour une Approche Humaniste et Plurielle des Autismes – pour plus d’infos, cliquer ici) qui nous représente dans la concertation du quatrième plan autisme.

Ce quatrième plan autisme est en cours d’élaboration. Selon-vous, quel en est l’enjeu ?

Quand je regarde mes deux enfants – celui qui est autiste et celui qui ne l’est pas – je conçois avec plus de facilité ce que je veux, politiquement : une société qui définisse chacun comme une personne, c’est-à-dire sujet de droit sans considération de mérite. Je veux qu’ils grandissent dans une société ouverte qui les accueille tels qu’ils sont, porteurs de capacités chacun à sa mesure, je veux qu’ils vivent dans une citoyenneté bienveillante et respectueuse des différences.

Avez-vous une idée de vers quoi s’orientent les travaux préparatoires de ce plan ?

Ils portent en priorité sur le défi de l’inclusion. La phase de concertation est aujourd’hui terminée et le plan est maintenant en cours d’écriture. Nous espérons qu’il confirmera la promesse d’apaisement et qu’il permettra de mobiliser les énergies pour l’accomplissement de nos enfants, tout au long de leur vie.

Puissiez-vous être entendue… Rendez-vous à Paris le 10 mars.

 Entretien réalisé par Jean-François Cottes. Février 2018