Par Fabienne Loiseau.
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 8 novembre 2018 (n° 17-19556) a estimé que les difficultés spécifiques et singulières de l’enfant atteint d’autisme primaient sur les recommandations de la Haute Autorité de Santé, et c’est heureux !
En somme, la justice rappelle à l’État que l’humanisation des mesures, c’est-à-dire leur adaptation singulière, est la seule règle qui vaille et rejoint ceux qui dénoncent la normalisation de règles générales contraignantes sur l’accompagnement des enfants et personnes autistes.
Ce faisant, le Juge dans son raisonnement a appliqué la législation en la matière, à savoir l’article L.246-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles qui stipule : « Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d’une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. Adaptée à l’état et à l’âge de la personne, cette prise en charge peut être d’ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social. »
L’article L. 146-9 du CASF précise également que les souhaits de la personne handicapée ou de son représentant légal doivent être pris en compte : « Une commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées prend, sur la base de l’évaluation réalisée par l’équipe pluridisciplinaire mentionnée à l’article L. 146-8, des souhaits exprimés par la personne handicapée ou son représentant légal dans son projet de vie et du plan personnalisé de compensation proposé dans les conditions prévues aux articles L. 114-1-1 et L. 146-8, les décisions relatives à l’ensemble des droits de cette personne, notamment en matière d’attribution de prestations et d’orientation, conformément aux dispositions des articles L. 241-5 à L. 241-11. »
Il est à cet égard utile de rappeler que les lois s’imposent aux recommandations et autres circulaires, qui n’ont pas de valeur juridique opposable, et ne peuvent justifier un refus d’aide publique financière au parent accompagnant. Il apparait donc souhaitable que les parents ou professionnels s’appuient sur le respect de la législation qui prône le un par un et la liberté du choix des méthodes, quand l’Administration leur oppose les recommandations de la Haute Autorité de Santé. Les recommandations de cette autorité ne peuvent donc s’imposer aux parents d’enfants atteints d’autisme, et l’État, ou toute autre administration, ne peut refuser une aide à une personne qui mettrait en œuvre un accompagnement non reconnu par la HAS, à la condition bien sûr qu’il soit démontré que l’intérêt de l’enfant ou de la personne autiste est toujours recherché.
La jurisprudence de la Cour de Cassation en matière de recommandations de la HAS est néanmoins plus subtile qu’il n’y parait, car elle n’est pas identique suivant la place tenue par l’accompagnant. En effet, si l’arrêt de 2018 de la Cour implique la liberté de choix des parents d’enfant autiste dans la prise en charge de leur accompagnement, d’autres arrêts de la Haute juridiction rappellent que les professionnels de santé doivent respecter les recommandations de la HAS, élevées au rang de « règles de l’art » par le Juge, qui peut sanctionner le médecin qui n’a pas respecté le protocole de soins. Si cette jurisprudence s’applique essentiellement au domaine « purement » médical et ne peut être appliquée stricto sensu à l’accompagnement des personnes autistes, on peut quand même s’interroger sur la valeur contraignante des recommandations de la HAS auprès des professionnels qui accompagnent les enfants et personnes autistes, tels que les médecins bien sûr, mais aussi les autres personnels soignants, les psychologues, éducateurs, enseignants et tout intervenant : les recommandations de la HAS sont-elles « les règles de l’art » en la matière ?
Si l’on s’en tient à l’arrêt de la Cour de Cassation du 8 novembre 2018, il apparait que la seule règle applicable par le juge est celle des besoins et difficultés spécifiques de l’enfant, et de manière générale, la question du juge est toujours de savoir si les professionnels ont tout mis en œuvre pour apporter leurs soins aux personnes concernées et si les soins ou accompagnements vont dans leur intérêt. Rappelons que seule l’obligation de moyen est censurée par la Cour et non l’obligation de résultat, ce qui implique que le professionnel pourra toujours démontrer au juge que le protocole appliqué l’a été après avoir recherché et conclu qu’il était le mieux adapté à la personne concernée.
Il est utile de préciser que plus il y a de débats sur des méthodes différentes et diverses dans un domaine de soins, plus le juge sera enclin à examiner au cas par cas si celui qui a été mis en œuvre était le mieux adapté à la personne concernée. Il est donc primordial que d’autres manières de faire, qui ne sont pas adoubées par la HAS, inspirées par la psychanalyse d’orientation lacanienne et qui ont des effets de civilisation et d’apaisement pour les personnes atteintes d’autisme, puissent exister et qu’elles soient communiquées (avec publications des avancées cliniques et témoignages des parents ou accompagnants), et mises en avant, à la fois au sein des professionnels mais aussi auprès des parents et du grand public.
Concernant les professionnels, il est donc possible de défendre toute mesure d’accompagnement qui ne serait pas adoubée par la HAS et les mettre en pratique, avec l’aval des parents ou tuteurs, en démontrant que ces « méthodes » vont dans le sens de l’intérêt des enfants ou personnes accompagnés.
Cet arrêt doit encourager les parents et les professionnels à rechercher l’intérêt de chaque enfant ou personne atteinte d’autisme, de s’attacher à leur singularité, et de « tricoter » un accompagnement qui leur convient. Ce faisant, ils ne feront qu’appliquer la loi qui précise qu’il doit être tenu compte de leur besoin et difficulté spécifiques.