Par Marina Puissant et Elena Madera.
Nous étions une trentaine de participants de La Main à l’Oreille[1] et de Famisol[2] à nous retrouver au Théâtre National de Bruxelles le 19 janvier 2017 pour voir le spectacle Is there life on Mars ?, mis en scène par Héloïse Meire et la Compagnie What’s up ?.
Ce n’était ni une conférence ni une suite de témoignages des personnes autistes sur leurs vies et leurs souffrances ; mais une vraie « mise en scène » à la fois légère et grave, pleine d’humour, de tendresse, et d’humanité.
Héloïse Meire a créé cette œuvre à partir de nombreuses rencontres qu’elle a faites pendant deux ans avec des autistes et leur entourage. Elle y propose un questionnement autour de la norme où le spectateur est invité à dépasser la question du handicap et de la différence et à trouver ses propres pistes face à l’imprévisible, au chaotique, à l’incompréhensible…

Dans ce spectacle, on ne trouve pas d’explications ni d’analyses théoriques suivies de réponses thérapeutiques mais un moment particulier où le spectateur est plongé dans le monde des autistes. Chacun affronte avec eux un univers dont il ne comprend pas les codes pour se comporter et rencontrer les autres. Il revient de ce voyage, envahi, submergé par le réel.
Mais on a aussi la surprise de découvrir comment quelques-uns ont trouvé, à leur manière, une façon singulière d’être au monde. Par exemple grâce à un circuit de train électrique, à une liste de gares retenue par cœur, ou à une danse des lettres et des mots. Grâce aussi parfois à un lien particulier avec la fratrie, ou avec les parents qui les soutiennent, tout en se posant bien des questions.
La mise en scène alterne la parole et les mouvements saccadés, parfois agités des quatre comédiens avec une chorégraphie s’inspirant des gestes et du rapport au corps observés chez les autistes par H. Meire. L’univers sonore tient compte des bruits, envahissants, parfois stridents qui les perturbent tant dans leur quotidien. Mais il y a surtout ces voix parfois étranges des acteurs qui répètent ou trébuchent sur les mêmes mots, avec le débit et le rythme particulier qui témoigne de la vie de chacune des personnes rencontrées. Ces voix enregistrées lors des rencontres sont reproduites par les comédiens qui les écoutent dans un casque qu’ils portent tout au long du spectacle sur leurs oreilles. Comme pour souligner peut-être leur isolement et leur retrait du monde. Et le décor complète l’ensemble. Avec, comme fond de scène, une armoire dont les portes s’ouvrent à la fois sur les objets fétiches et les ambiances du quotidien parfois montrées sur des écrans animés, miroirs de leurs vies.
Après le spectacle, nous avons pu rencontrer Héloise Meire. Beaucoup d’échanges, de questions et aussi de témoignages des parents, proches et professionnels présents ont pu avoir lieu : comment laisser ces enfants, ces jeunes nous inviter dans leur monde ? Comment se battre pour que nos enfants soient acceptés dans leurs différences ? Comment accepter les regards que les autres portent sur eux ? Comment les préparer au monde qui les entoure ?
Héloise Meire nous a parlé du défi et de la difficulté de la création du spectacle, après sa longue recherche préliminaire : comment rassembler les témoignages sans un vrai fil narratif qui les lie ? Cette dernière phrase a été relevée par une des mamans de la Main à l’Oreille pour parler de sa façon de faire dans sa vie au quotidien avec son enfant autiste : « Comment y faire avec des petits bouts détachés, comment trouver le fil ? » « Un super spectacle très touchant, très émouvant », nous a dit une autre maman, qui attend avec impatience les prochaines sorties organisées par LaMaO.
Marina Puissant est parent, membre fondateur de l’antenne belge de La Main à l’Oreille, secrétaire et attachée culturelle.
Elena Madera travaille à l’Antenne 110 (Genval) et à La soucoupe (Bruxelles).
Pour lire la présentation du spectacle, cliquer ici.
[1] Antenne Belge : https://lamainaloreille.wordpress.com/presentation-de-lantenne-belge-asbl/
[2] Service bruxellois d’aide précoce et d’accompagnement, pour des enfants « avec handicap » et pour leur famille.