17-18 mars à Paris : Premières rencontres internationales autour des pratiques brutes de la musique

Par Olivier Brisson.

Quiconque rencontre, dans sa pratique professionnelle ou dans sa vie personnelle, des sujets avec autisme, a pu, à un moment ou un autre, s’interroger sur le sérieux de ceux-ci à répéter un geste, un son, un balancement. D’aucuns, n’y voyant qu’un comportement à supprimer, éteignent un point très vivant chez ces sujets. D’autres au contraire y accordent toute leur attention, repérant là le lieu d’un traitement à l’oeuvre, et une tentative d’aborder le monde environnant.

Prenons l’exemple d’un enfant dont l’autisme est décrit comme sévère : un enfant qui éviterait soigneusement toute possibilité d’échange verbal en se bouchant les oreilles ou en se balançant, et dont l’enfermement dans les rituels ou les stéréotypies serait colossal. Comment tenter d’entrer en contact sans être trop intrusif ? Peut-être en s’intéressant à ce qui fait particularité sonore dans son battement à lui, dans son geste à lui, dans sa vocalise ou son fredonnement à lui. On improvisera en somme, on s’appuiera dans l’instant sur les petits détails qui se présenteront.

On improvisera – à la manière de ces musiciens bricoleurs, inventeurs, improvisateurs qui se précipitent dans la matière sonore sans nécessairement s’appuyer sur la règle commune du rythme ou de la mélodie. Le musicien qui improvise sait ces moments de flottements, de nudité, où il faut prendre le temps de laisser l’autre venir, l’apprivoiser, s’intéresser à son style propre pour ensuite pouvoir engager le dialogue. Alors pourquoi ne pas s’en enseigner ? Si le balancement de l’enfant frotte sur un meuble, on peut l’accompagner d’un grattement, d’un souffle, de petites scansions avec les objets alentour. Ça n’est plus une stéréotypie, c’est un son qui se répète, une boucle ou une séquence, et on joue avec pour créer des micro-variations. On joue et parfois, là, les regards se croisent… De la même façon qu’il est fréquent de voir des enfants ne parlant pas de façon adressée s’emparer des micros pour chanter ou s’enregistrer. Dans d’autres cas, on s’intéressera à la manière dont un jeune se colle à l’enceinte pour l’effet dans le corps que cela crée, ou on étudiera le bruit du néon qui obnubile tel autre pour l’amener à en faire quelque chose. Essayer modestement de créer un petit espace de jeu, dans tous les sens du terme, où l’improvisation devient l’outil de manipulation des sons et des bruits du monde. Permettre cette petite brèche qui soulage terriblement, qui fait signe aux sujets du fait que l’on a perçu le dérangement dont ils sont l’objet, et accueillir comme des trouvailles tous les petits bricolages qu’ils font avec ce qui les envahit (casques en carton, détournements de voix de dessins animés, dictaphone attrapeur de bruits…) C’est aussi ça, s’engager du côté “poétique” de la pratique : rebrousser le bazar et partir du chaos pour s’en saisir autrement.

Et, comme toute affinité reconnue et soutenue, ce « travail du son » peut devenir pour certains un point d’appui solide et singulier pour s’avancer dans le monde.

Les 17 et 18 mars 2017, auront lieu à Paris, au Centre Fleury-Barbara Goutte d’Or, les premières Rencontres Internationales de pratiques Brutes de la Musique dans le cadre du festival d’art sonore Sonic Protest à Paris. Deux jours de tables rondes où discuteront artistes, usagers, médecins, éducateurs, psychologues, directeurs d’institution et parents. On y parlera de la place des pratiques de création en institution, des liens avec les réseaux professionnels de la culture, de l’improvisation comme support privilégié d’expression, des lutheries singulières et adaptées, des spécificités sensorielles, de l’open-source pour contrer les approches propriétaires, et surtout, on écoutera les points de vue et témoignages d’artistes comme les Choolers, deux MC’s trisomiques de La S-Grand Atelier (Liège) ; le collectif Astéréotypie de l’IME de Bourg-La-Reine ; les Harry’s de l’Hôpital de Jour d’Antony, également animateurs de Radio Tisto ; le Wild Classical Music Ensemble, les Humming Dogs créé par les comédiens de l’Oiseau Mouche (ESAT de Roubaix), Les Turbulents de L’ESAT Turbulences, les usagers de l’Atelier du Non-Faire de Maison Blanche, la jeune artiste autiste Lucile Notin-Bourdeau, le grand artiste brut André Robillard et les rédacteurs autistes du journal Le Papotin.

O. Brisson

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