Par Juliette Parchliniak.
A Bruxelles est née en 2011 une formule d’accueil originale – autre que l’institution de soin – pour les enfants présentant des troubles psychiques importants liés à l’autisme : « La Soucoupe » ! A l’initiative de Marie Brémond, Gwendoline Possoz et Sina Foroughi, les trois coordinateurs du projet, La Soucoupe propose un espace à la fois ludique et adapté pour des enfants âgés de six à douze ans et qui ne peuvent s’intégrer dans le cadre d’offres d’accueil non spécialisées. Pour autant, elle s’adresse à un public modeste, qui n’a pas forcément les moyens financiers de faire appel à des offres spécialisées coûteuses. Elle a trouvé à s’implanter dans une commune populaire, au sein d’une maison de quartier ayant à cœur la cohésion sociale. C’est ainsi que chaque samedi après-midi, trois intervenants accueillent quatre enfants dans un lieu adapté et cependant ouvert sur la vie de la cité. Ils offrent ainsi tout à la fois un temps de loisir pour les enfants et un temps de répit pour les parents, ainsi qu’un lieu d’adresse face aux difficultés que ces derniers peuvent rencontrer à la maison. Les intervenants viennent d’horizons divers mais ont en commun une solide formation clinique. C’est donc avec une visée à la fois sociale et clinique – et donc éthique et politique – que La Soucoupe ouvre ses porte chaque week-end, le temps d’un après-midi, avec la volonté d’offrir un abri où chaque enfant peut explorer ses propres pistes créatives et appréhender son lien fragile aux autres, par le biais d’activités sur place et de petites sorties.
L’accent est ainsi mis sur le loisir, avec beaucoup de matériel prévu à cet effet : des jeux de construction, de la pâte à modeler, des ballons, des trottinettes, des instruments de musique, un ordinateur, et même, depuis peu, deux tablettes numériques et du matériel radio ! Le dispositif d’accueil, qui prévoit un roulement des intervenants accueillants ainsi qu’un roulement des enfants accueillis, non seulement empêche l’installation d’une routine mais instaure au contraire chaque samedi la dimension de l’inédit, tout au moins du nouveau, ouvre à la surprise, c’est ainsi que nous avons nommé ce dispositif « la clinique flash » lors d’une journée d’étude. Cependant, les enfants ne semblent aucunement mis en difficulté par cette particularité, contraire à celle rencontrée par ailleurs dans les institutions de soin, car le transfert s’établit pour eux au lieu lui-même – et il est notable qu’ils y viennent avec plaisir – ainsi qu’aux objets qu’ils prédilectionnent et ne manquent pas de retrouver à leur arrivée.
L’accueil du samedi après-midi n’est cependant pas la seule modalité proposée par La Soucoupe, loin de là !
La Soucoupe propose une formule appelée « répit individuel », où un intervenant de La Soucoupe se rend au domicile familial pour passer un moment avec l’enfant selon un calendrier déterminé avec les parents. Il s’agit donc d’un dispositif entièrement modulable, pensé sur le mode d’un atelier, qui peut être proposé aux parents en difficulté avec leur enfant, quand c’est indiqué. Ici la présence des parents dans la pièce ou dans la maison ouvre à une dimension nouvelle puisque nous avons à prendre en compte, dans le travail avec l’enfant, la dynamique familiale.
Enfin, la Soucoupe propose une formule appelée « inclusion », qui consiste à accueillir un enfant inscrit à La Soucoupe durant les vacances scolaires, au sein des activités de semaine ou lors de séjours organisés par la maison de quartier partenaire. Un intervenant accompagne l’enfant tout au long de la journée, afin de lui permettre de participer aux activités avec les autres enfants mais selon une modalité singulière, plutôt sur le bord, afin de le préserver de l’angoisse que la situation peut susciter. Au cours de ces journées, un va et vient est souvent de mise entre le bureau de la Soucoupe comme lieu de repli, au calme, et l’espace commun investit par le groupe. Ce battement possible entre espace commun et espace privé, ainsi que la présence attentive de l’intervenant auprès de l’enfant, rend possible une certaine ouverture aux activités organisées avec les autres enfants et encadrants présents. Il est à noter que les enfants se montrent à la fois curieux et accueillants malgré la difficulté à faire lien.
Une association à taille humaine et «souple» comme l’est La Soucoupe semble ainsi plus à même d’apporter des réponses spécifiques et adaptées aux enjeux cliniques et politiques contemporains. La Soucoupe, tout en répondant à une demande des parents et aux exigences des instances dirigeantes, contribue à faire vivre une pratique analytique appliquée à l’institution dans la citée, dynamique et actuelle, avec cette spécificité de proposer un accueil accès sur la dimension ludique et sur le lien social mais visant également un apaisement de l’enfant sur ces courtes périodes. Pour que cet apaisement puisse avoir lieu, le dispositif requiert une formation individuelle des intervenants, ainsi qu’un travail d’élaboration clinique qui se construit minutieusement au fil des réunions d’équipe, lesquelles sont chaque fois centrées sur la présentation d’un cas et supervisées par un analyste chaque fois nouveau, car ici non plus la routine n’est pas de mise…
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