Quatrième plan autisme : quelle place pour l’innovation ?

Par Alain Revel.

Le quatrième plan autisme a été dévoilé début avril.[1] Son titre complet, Autisme. Stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement doit déjà attirer notre attention.

L’autisme a quitté la notion des troubles envahissants du développement pour être intégré dans l’entité plus large des troubles du neuro-développement. Ces dits troubles, outre l’autisme, regroupent des difficultés comme les difficultés de l’attention, de la motricité, du développement intellectuel, de la communication, de l’apprentissage. La stratégie mise en place pour l’autisme pourrait inspirer une plus large refondation du domaine des soins psychiques pour l’enfant.

Dans ce plan, le « neuro » est prépondérant. La notion de neuro-développement part du fonctionnement du cerveau, le mot psychisme est totalement absent du quatrième plan.

L’accent est mis sur l’inclusion des autistes dans la cité. Nous ne pouvons que nous réjouir de l’orientation non ségrégative qui doit être donnée à toute action ainsi que la volonté de rendre les parcours plus fluides.

L’accent est mis également sur le dépistage, le diagnostic précoce, laissant entendre que l’intervention qui en suivrait découlerait logiquement du diagnostic. Elle serait aussi logiquement scientifique que l’est le diagnostic. Actuellement, bien souvent, ce diagnostic pèse sur les interventions qui suivent, alors que la nature de l’intervention après le diagnostic resterait à débattre. Éric Laurent dans Lacan Quotidien n° 774 [2] rappelle les limites de l’apprentissage coercitif pour les enfants en ce domaine.

Mais attardons-nous sur ce qui est intitulé L’ambition 4 [3] : « Inscrire la science au cœur des pratiques et s’assurer du déploiement de la stratégie par une gouvernance adaptée. » « La science doit être au cœur des pratiques et irriguer l’ensemble de l’action publique. En rupture avec le retard de la France dans la recherche et la diffusion des connaissances sur l’autisme et les troubles du neuro-développement cette stratégie cherche à créer une nouvelle dynamique avec un écosystème structurant et renforcé en ressources humaines et moyens de recherche. La science sera alors une ressource pour fonder l’action publique, plus qu’elle n’a jamais été. » [4]

Il y a une assimilation implicite du retard des équipements d’accueil pour les autistes avec un retard des connaissances et de la recherche.

De quelle science s’agit-il ? « La recherche a récemment permis de nombreuses avancées dans la compréhension des mécanismes biologiques associés à l’autisme et aux autres troubles neuro-développementaux. Une recherche d’excellence sur l’autisme ne se conçoit que dans le cadre plus large des neurosciences du développement avec l’ensemble des troubles neuro-développementaux, de la santé mentale, et des études sur le handicap. »[5] Comme pour l’éducation nationale les neurosciences sont La référence.

Et pourtant on ne sait pas grand-chose. « L’étiologie des TSA est multifactorielle, en lien avec l’interaction au cours du développement, de facteurs génétiques et environnementaux. Malgré l’identification d’une centaine de gènes impliqués dans le déterminisme de l’autisme, leur interaction avec les facteurs environnementaux reste mal comprise, et l’impact de ces facteurs de risque génétiques et environnementaux sur les trajectoires développementales, mal connu. De nombreuses questions demeurent également concernant les mécanismes physiopathologiques qui sous-tendent ces troubles. Aucun biomarqueur robuste n’a été identifié. »[6]

Mais l’effort sera mis sur la recherche génétique : « L’hétérogénéité majeure des TSA représente un obstacle pour comprendre les mécanismes sous-jacents et développer des stratégies d’intervention. Pour démêler cette hétérogénéité, l’objectif sera de disposer d’une grande base de données multidimensionnelles […] La construction de cette cohorte devra s’articuler avec le recueil de données dans les centres d’excellence, et les laboratoires de recherche et s’articuler avec le projet France génomique. »[7]

La limite de cette démarche est entre-aperçue en toute fin du plan ; il faudra avoir recours à d’autres expertises : « Face à la complexité de certains sujets et aux incertitudes scientifiques rencontrées dans le champ général des troubles du neuro-développement, la délégation interministérielle développera des démarches d’expertise, pour mieux caractériser et rendre compte du domaine de validité des résultats obtenus et pour faciliter leur appropriation par les acteurs concernés. Pour y parvenir, elle aura par exemple recours aux disciplines des sciences humaines et sociales. »[8]

Malgré ces incertitudes, la recherche, la formation, les connaissances à diffuser ne seront orientées que par les neurosciences.

Quel jeu laisse possible ce plan ? Un petit chapitre intitulé « Soutenir les projets innovants » a de l’intérêt. « Le nombre de solutions technologiques, de stratégies d’intervention ou d’innovation proposées dans le champ de l’autisme a progressé rapidement ces dernières années avec des modalités de conception très diverses. Ces innovations sont conçues par des chercheurs, des entrepreneurs, des cliniciens, des parents ou encore des personnes autistes et concernent leur accompagnement, la prise en charge clinique, médico-sociale, pédagogique ou encore ludo-éducative. Pour un grand nombre d’entre elles, l’objectif visé est l’amélioration de la qualité de vie des personnes. » [9]

Même s’il est préconisé qu’une validation scientifique de ces méthodes se fasse il y a là, peut-être, une place laissée à l’innovation avant « La science ».

Éric Laurent, toujours dans son intervention au forum de Barcelone, énonce la place du psychanalyste, ici, ainsi : « En tant que psychanalystes, nous recherchons des moyens de toujours mieux entrer en relation avec des sujets avec autisme, dans l’enfance, après l’enfance, encore quand ils deviennent adultes, et avec leurs parents. »

Ce rappel est clair, notre action est là, encore faut-il trouver les lieux où elle peut se mettre en place.

[1]  http://IMG/pdf/stratégie_nationale_autisme_2018.pdf[2] « Le forum de Barcelone et les orientations du quatrième plan autiste », LQ n° 774. [3] Stratégie nationale autisme, op. cit., p. 25. [4] Ibid. [5]  Ibid., p. 47. [6]  Ibid., p. 66. [7]  Ibid., p. 69. [8]  Ibid., p. 121. [9] Ibid., p. 70.