Par Éric Steveler et Marc Mottart.
L’Abritier est situé à Liège. Il propose chaque mercredi après-midi un lieu d’abri et de rencontre pour des enfants de quatre à onze ans qui présentent des difficultés dans le lien avec les autres, liées notamment à l’autisme. C’est ainsi que chaque semaine trois intervenants accueillent jusqu’à quatre enfants dans les bâtiments d’une école. Nous offrons à la fois un temps de loisir pour les enfants et un temps de répit pour les parents. Le choix d’une école dans un quartier populaire a été important pour nous. Nous voulions choisir un lieu au cœur de la cité. La visée est clinique mais aussi sociale et politique.
Un premier accent est mis sur une mise à l’abri face à ce qui est trop menaçant pour eux. La constitution d’un abri se décline de différentes manières.
C’est l’enfant qui entre dans la pièce et se cache tout en laissant une ouverture pour regarder. Cela peut aussi être l’enfant qui reste d’abord à un endroit précis puis tente différentes approches. Cela peut aussi être l’enfant qui prend d’abord le temps de manger. Comment être attentif en effet au fait que l’enfant ne soit pas tout de suite engouffré dans l’Autre ?
Mais cela peut aussi être une parole indirectement adressée et donc moins menaçante. Une parole plus prévisible mais aussi une parole qui se fait entendre, qui peut nommer au moment où le regard est trop envahissant, trop captivant. À partir de là, des occasions de contacts peuvent se saisir et des espaces de jeux s’établir.
Un second accent est aussi mis sur le jeu avec du matériel prévu à cet effet. Une partie du matériel est disposé sur les tables comme des livres, de la pâte à modeler, des jeux de construction et une autre partie est entreposée dans l’armoire fermée à clé. Un circuit de la demande peut aussi être mis en place.
Dans ces espaces de jeu, de nouveaux échanges peuvent s’articuler avec un partenaire moins menaçant, plus « sur mesure ». Et dans ces échanges ludiques c’est l’enfant qui rencontre, invente, construit un savoir. On peut dire que c’est par ces jeux qui se répètent qu’un espace se crée, moins intrusif où un bord peut se construire puis ensuite s’étendre. Un espace où le sujet peut être actif.
Saïd nous dit sous forme d’injonction ce que nous devons faire. Il nous assigne des places, muni d’un pistolet en pâte à modeler qu’il dirige vers nous. Il se met ensuite à fabriquer des monstres qui dévorent tout sur leur passage. Monstres qui tombent malades puis meurent. Nous nous faisons dociles à ces constructions. Puis nous introduisons petit à petit d’autres éléments comme un village, une école, un restaurant, un hôpital pour soigner les monstres malades. Saïd se met ensuite à trier la nourriture et la répartir selon différents pays. L’abri s’est ici construit, nous semble-t-il, dans l’espace de jeu lorsque nous étions moins dévorés et sommes devenus partenaires de jeu.
Devant toute activité proposée, voire toute parole adressée directement, Élise détruisait ou déchirait. Nous avons remarqué par la suite que ce qui l’apaisait était de parler d’elle à une autre personne. Ainsi, assis à côté d’elle, en lien avec les autres intervenants nous lui proposons une feuille pour dessiner les contours de personnages de dessins animés. Elle accepte, s’apaise et commence à découper en suivant les lignes. Ensuite, dans d’autres dessins, elle entourera les formes puis les découpera. Dans ces moments, elle peut réclamer notre présence en faisant de nous un partenaire instrument, ce que nous acceptons.