Par Marine David,
Intervenante à L’Antenne 110 (Genval) et à La Soucoupe (Bruxelles).
Ce samedi matin, à l’abri de la tempête qui agite la ville, nous sommes nombreux dans le local de l’ECF à Paris pour l’enseignement du CERA[1] qui a pour thème “Les conditions de l’invention”. C’est sur ce thème qu’Alexandre Stevens[2] choisit de nous parler de plusieurs cas d’enfants autistes issus soit de la littérature soit d’une journée d’échanges cliniques sur l’autisme organisée à Bruxelles le 2 avril 2019 dernier[3]. Nous avons ensuite la chance d’entendre le témoignage de Laurence Vollin, mère de trois enfants dont une jeune fille handicapée et autiste et auteure de livres[4]. La troisième et dernière intervention de l’échange clinique est celle de François Bony[5] qui amène un cas clinique riche d’une petite fille dont les dessins illustrent cet article.
Alexandre Stevens insiste beaucoup sur le style des partenaires que l’enfant autiste rencontre pour avoir la chance de faire de sa trouvaille une invention. Tout au long de son intervention, il nous liste au moins quatre conditions de l’Autre de l’autiste: une certaine docilité sans a priori en est la première; une capacité à entendre l’enfant de manière patiente et attentive est la seconde; la troisième condition consiste à être troué c’est-à-dire un peu manquant ; enfin, le fait de prendre en compte l’implication du corps dans l’affaire. De cette façon, l’Autre pourra trouver une place à côté de l’enfant toujours déjà au travail.
L’incomplétude nécessaire pour accompagner un enfant autiste est le point qui a retenu mon attention lors de cette matinée d’enseignement. Le foulard cachant les symptômes de la maladie de Laurence Vollin a par exemple joué un rôle important dans le lien entre la mère et la fille : il cachait les petits cheveux de l’une au contraire des longs cheveux de l’autre. L’agacement provoqué par la fixation et le son répétitif (ikse pour x) adressé par J. aux intervenants du Centre les Terrasses les a obligés à l’interpréter, comme un stop ou un non. L’angoisse devant l’automutilation violente de L. a fait écrire l’intervenante de l’Antenne 110 sur les doigts du sujet les nombres de choses à faire avant de retrouver son père.
Ce n’est pas tout de s’orienter de l’intérêt spécifique de l’enfant autiste, encore faut-il y être en tant qu’Autre incomplet afin que ce qui apaise l’enfant devienne une invention qui s’écrive : que quelque chose s’inscrive et se stabilise à minima. Ici, c’est l’Autre qui est conditionné par son envie de se laisser enseigner par l’enfant. Temple Grandin témoigne de ce partenariat dans ces termes: “les meilleures réussites se voient chez ceux [les enfants autistes qui s’en sont sortis] qui ont eu un ami dévoué qui les a aidés à diriger leurs fixations”[6].
Si vous aussi vous êtes passionnés par ces recherches, n’hésitez plus à franchir le pas du 1, rue Huysmans à Paris, 6e. Les prochains rendez-vous sont les 25 mai et 22 juin 2019, de 10h à 12h – accueil à 9h30 en accès libre.
[1] Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Autisme.
[2] Psychiatre, psychanalyste membre de l’ECF, fondateur du Courtil, enseignant à la Section clinique de Bruxelles
[3] https://www.facebook.com/ateliersdu94/
[4] “Quand le handicap s’en mêle, journal d’une vie décalée” et “D’une terre à l’Autre”.
[5] psychiatre et psychanalyste membre de l’ECF à Nice, responsable thérapeuthique à l’Institut médico-éducatif Les Terrasses.
[6] Grandin T., Ma vie d’autiste, O. Jacob, Paris, 1994.