Par Geneviève Valentin.
À propos du livre Hors protocole. Handicap, autisme, famille, fratrie… décalage, de Laurence Vollin, préface de Laurent Dupont, Paris, L’Harmattan, 2019.
Hors protocole à lire, découvrir, relire… Ce n’est pas un livre sur l’autisme encore, un de plus, mais une invitation réussie à la rencontre avec Anne Laure à partir de morceaux d’histoires et de vie écrits par sa mère, Laurence Vollin, avec beaucoup de poésie. Sans abri, sans protocole, sans protection, sans savoir, c’est à travers la façon dont chacun ose, dans la famille – son petit frère, sa grande sœur, son père, sa mère –, inventer un lien, que nous découvrons, au fil du texte, un peu plus Anne Laure. Nous faisons avec eux le chemin de l’étrangeté qu’est Anne Laure, de sa différence, du vœu parfois de normalité et de l’acceptation qui n’élude pas douleur, crises, tourmente, mais aussi joies et surprises. C’est surtout qu’« on lit ce livre avec son corps », comme Laurent Dupont nous l’indique si précisément dans la préface. Laurence Vollin n’élude pas ce qui a marqué les corps, et c’est précisément ce qui intéresse la psychanalyse lacanienne qui aide à « repérer ce qui vient faire irruption, comme autant de traces laissées dans le corps du sujet »[1].
C’est au gré des expériences de rencontre avec l’autre, avec d’autres corps et avec le langage, que chaque sujet se fait réponse de ce cette rencontre. C’est ainsi que nous rencontrons Anne Laure comme sujet à part entière, grâce à la façon dont les siens ne cessent de « trou-vailler », comme le dit l’auteure, c’est-à-dire de travailler à « produire un trou dans la masse compacte de l’angoisse »[2]. Nous mesurons aussi les effets sur le corps d’Anne Laure de ces menus, infimes mais multiples et précieux savoir-faire qui se bricolent avec elle, uniquement pour elle, inimitables parce qu’au plus près d’Anne Laure comme sujet, c’est-à-dire singulière et unique et de ceux qui l’entourent. Nous sommes concernés là où chacun de nous, comme Anne Laure, tente de faire avec son corps et celui des autres, sans programme ni mode d’emploi possibles, contrairement à ce que notre époque tendrait à nous faire croire. Laurence Vollin, comme mère, nous transmet une belle leçon sur l’amour et le désir des parents quand ils sont noués à une position éthique vis-à-vis d’un enfant. Ils accompagnent Anne Laure dans le monde et rendent possibles d’autres rencontres. L’auteure n’édulcore pas les accrocs de la vie pour Anne Laure et pour elle, comme mère, d’une enfant handicapée, comme mère de trois enfants et comme femme, mais elle témoigne des effets de son expérience analytique dans sa relation à Anne Laure qui permettent que chacune puisse suivre le chemin de sa vie. C’est un petit vent de liberté !
[1]. L. Dupont, préface à Vollin L., Hors protocole. Handicap, autisme, famille, fratrie… Décalage, Paris, L’Harmattan, 2019.
[2]. Vollin L., Hors protocole…, op. cit., p. 129.