Par Jean-François Cottes.
Texte prononcé lors de la matinée du CERA tenue le 19 juin 2021.
Le pire n’est jamais certain, voilà ce qui est venu à mon esprit quand je songeais aux quelques mots que j’allais vous dire pour ponctuer cette matinée. On dit que cet adage avait la faveur de Lacan. Quand la fonction du père décline, ce qui est la circonstance actuelle, le pire advient-il nécessairement ? Va-t-on nécessairement du père au pire ? On est en droit de se poser la question. Pour y répondre, je ferai appel à une citation de Gramsci que j’ai rencontrée en mes vertes années et que j’avais faite mienne : « Je suis pessimiste par l’intelligence mais optimiste par la volonté. »
Il faut reconnaître que dans le champ dans lequel nous intervenons, et spécialement dans celui de l’autisme, en à peine 20 ans, le contexte a totalement changé. Nos adversaires ont le vent en poupe, ils disposent de moyens considérables et de relais puissants, que ce soit dans les pouvoirs publics, dans les autorités académiques ou dans les médias. Et il ne faut certainement pas négliger ces terrains, si je puis-dire. Mais s’ils ont le vent en poupe, nous, nous tirons notre force d’un point d’appui qui leur manque, c’est le symptôme.
Dans La troisième, Lacan a des formules très fortes qui sont on ne peut plus actuelles. Le sens du symptôme, dit-il, dépend de l’avenir du réel. Et il avance que le réel insistera, qu’il ne se laissera pas réduire par les productions de la technoscience. Et aujourd’hui on peut dire que le réel ne se laissera pas réduire par l’envahissement de tout le champ social par l’idéologie scientiste qui prend le nom du neuro. Le sens du symptôme, ce n’est pas le trouble, c’est à la fois un message, une vérité, et une jouissance. Cela nous pouvons, et devons, continuer à le démontrer.
Quel est le réel qui insiste ? Lacan le précise : c’est qu’il n’y a pas de rapport sexuel. Et ce réel n’est pas près de s’évaporer. C’est l’impossible du rapport sexuel qui est la base réelle du symptôme, et malgré tout ce que l’on fait circuler comme gadgets, selon le mot de Lacan – et le TND, avec tout l’appareillage qui y est associé entre dans cette catégorie des gadgets – le symptôme a de beaux jours devant lui.
Mais pour le faire apparaître comme tel, pour mettre le symptôme en fonction, il lui faut des servants, un peuple assez nombreux et surtout suffisamment déterminé à le rendre effectif. Il me semble qu’une matinée comme celle-ci, par son succès, par la vivacité du désir qui s’y est manifesté, est de nature à conclure que cette condition est remplie. Elle fait la démonstration que la psychanalyse d’orientation lacanienne trouve sa place dans la « spire de l’époque », comme nous l’avons entendu tout au long de cette matinée.
Le CERA poursuit son action lacanienne pour faire connaître pour ce qu’elle est l’orientation lacanienne dans le champ de l’autisme.